jeudi, novembre 13, 2008

ÉLECTIONS ÉTASUNIENNES: RÉFLEXION


Depuis l’élection d’Obama à la présidence des Etats-Unis, la radio et la TV ne manquent pas de faire état d’opinions et de commentaires venant d’horizons différents à travers le monde. Il en est de même des journaux et des magazines. L’analyse un peu expéditive du contenu médiatique invite à être optimiste sur le genre humain.
En effet, toutes les opinions émises, faisaient l’unanimité sur un point : l’élévation du discours d’Obama. Comme quoi, toutes les appréciations témoignaient d'une sensibilité à ce qui est transcendant dans ses propos.
Cette unanimité pose une question sur laquelle il convient de s’interroger. Faut-il penser que tous les commentateurs étaient tous porteurs de hautes valeurs morales et que la présence de cet attribut chez eux les rendait plus aptes à les discerner chez d’autres? En corollaire, faut-il croire que tous ceux que le discours d’Obama n’a pas atteint, se sont abstenus de manifester leur opinion?
Quelque crédit que pourraient avoir ces hypothèses, il semble plus logique de chercher la vérité ailleurs. Aucune situation, même la plus vile, n’échappe à la condition humaine. Si les hommes sont capables de grandeur, ils sont également capables de bassesse. Il est donc possible que même dans les pires conditions de dégradation morale, l’homme soit capable de discerner et d’apprécier le noble et le sublime .
Pour en rester aux États-Unis, les requins de la finance , à l'origine de la crise économique dans ce pays et qui se sont enrichis souvent au détriment des pauvres, sont capables de comprendre les bases morales d’une alternative au fonctionnement du marché financier, même s'ils n'y adhèrent pas. Il en est de même de ceux que le caractère inéquitable du système de santé favorise, lors même que ce système condamne une grande partie de la population aux affres de la maladie et de l’indigence. La cupidité et l’égoïsme ont beau les pervertir, cela ne les empêche pas, parfois, de reconnaître la transcendance d’un principe ou d’une position, malgré la menace à leurs intérêts.
C’est donc la part noble de la duplicité humaine qui est reconnue dans les opinions et commentaires susmentionnés. Pascal, ne l’avait-il pas déjà identifiée? " Cette duplicité de l’homme, dit-il, est si visible, qu’il y en a qui ont pensé que nous avions deux âmes ."
12.nov 2008
Marc L.Laroche

mardi, novembre 11, 2008

LA DESCENTE IRRÉVERSIBLE D'HAÏTI





Depuis 50 ans, Haïti n’a cessé de dégénérer. On a déjà, ailleurs, passé en revue toutes les dimensions de cette catastrophe nationale, mis en lumière ses causes et ses conséquences et envisagé les solutions possibles en vue d’un redressement de la situation. Mais, plutôt que de voir appliquer ces solutions, on assiste, depuis plusieurs années, à une accélération de cette dégénérescence. En cette première décennie du 21ème siècle, Haïti en est arrivée à subir, sciemment, la tutelle internationale par le truchement de l’ONU. On aurait pu croire que le peuple qui a conquis, de hautes luttes, son indépendance en 1804, aurait résisté de toutes ses forces à cette condition outrageante…Que si malgré tout, cette situation devait lui être imposée par les circonstances, cela aurait suscité l’éveil de tant de valeureux défenseurs de la patrie que la tutelle n’aurait pas eu de lendemain. Mais, il n’en a rien été. Le pays est parvenu à un tel état de délabrement et d’aliénation que ce qui eut pris la forme de mesures tout à fait exceptionnelles dans un autre temps, passe aujourd’hui pour une situation normale…Comme si l’Haïtien, émasculé, avait perdu, à tout jamais, sa capacité de rebondir ou avait laissé en cours de route, l’essentiel de sa dignité.


Devant les impératifs d’urgence qui jalonnent l’histoire d’Haïti au cours des dernières décennies, on s’est toujours attendu à ce que les gouvernements finissent par prendre des orientations que commande la conjoncture. Mais, on s’est toujours trompé, même quand certaines décisions engagent peu le budget de l’état. C’est que, parallèlement à la pauvreté des moyens dont dispose le pays, sévit, de manière endémique et tragique une crise de leadership. À des moments qui lui sont particulièrement obscurs ou nébuleux, le peuple aurait eu souvent besoin de savoir dans quelle direction se diriger et comment canaliser son énergie en vue de participer au déblocage du pays. Mais, comme toujours, le gouvernement brillait par son absence et aucun plan requérant sa collaboration ou sa contribution ne lui était soumis. Devant l’impéritie des appareils de pouvoir qui se sont succédé depuis les trois ou quatre dernières décennies, des citoyens pouvaient, de temps à autre, essayer d’agir à leur niveau en vue de freiner la décadence générale, mais, faute d’un mouvement d’ensemble à travers le pays, leurs actions étaient toujours demeurées des gesticulations vides de sens.


À cet égard, la question du déboisement d’Haïti en est un bon exemple par les initiatives éparses à laquelle elle a donné lieu à beaucoup d’endroits sur le territoire national . Comme indiqué précédemment, il a toujours manqué à ces citoyens de bonne volonté que leur projet ait fait l’objet d’une orchestration préalable. Pourtant, ce n’est pas faute de sa pertinence. Voilà, au contraire, une question qui passionne l’opinion mondiale depuis très longtemps. Tous ceux pour qui l’avenir écologique du globe a une certaine résonance ne peut manquer de penser à l’île d’Haïti où ils voient, avec désespoir, l’île de Pâques en devenir. D’aucuns vont même jusqu’à chiffrer l’occurrence de cette sinistre réalité si rien n’est fait à très court terme. Depuis plus d’un demi-siècle que les médias de par le monde pronostiquent cette catastrophe, aucun plan, aucun programme gouvernemental cohérent n’a, à notre connaissance, été conçu afin d’y faire face. Tout se passe comme si le développement du pays n’était pas, d’abord, un acte réfléchi, d’inspiration volontariste, une direction à imprimer par un leadership vigoureux et coordonnateur avant d’être une certaine façon d’articuler des moyens, c’est-à-dire des ressources à des fins de démarrage. Au contraire, au pays où trône encore le merveilleux, malgré le désir d’entrer de plein pied dans la modernité, on semble attendre magiquement un renversement de la situation sans avoir à lever le petit doigt et, surtout, sans une politique propre à fixer les conditions et les balises des changements escomptés.


De plus, dans un suprême déni de la réalité, l’idéologie du moment veut qu’on impute la responsabilité de la désertification du pays aux Espagnols et aux Français de l’époque coloniale. Tenez, il y a quelques semaines, dans le cadre d’une entrevue au 12ème sommet sur la Francophonie qui se déroulait à Québec, à la fin de l’été, le président haïtien, en essayant de faire l’impasse sur la responsabilité des gouvernants au cours des cinq dernières décennies en matière de déboisement, s’est empressé de faire remonter l’origine de ce processus à l’arrivée des colonisateurs. À son avis, cette situation est due, selon Nancy Roc le citant, à " l’agression environnementale effectuée par les colons en 1492 avec la disparition de l’élément fondamental de l’environnement haïtien qu’était l’indien ". Une telle argumentation au 21ème siècle ne peut convaincre que des ignorants. Comme si l’occupant du sol depuis l’indépendance du pays en 1804 n’avait aucune possibilité d’y remédier!


Récemment, la crise alimentaire mondiale a eu des répercussions violentes en Haïti. En fait, il s’agissait d’une semonce, car ce qui apparaissait comme une crise circonstancielle est plutôt, pour des observateurs lucides de la scène alimentaire mondiale, le prélude à une situation permanente à l’échelle du globe. Beaucoup de pays émergents sous la coupe du FMI et de la Banque mondiale ont tiré les conclusions qui s’imposent des événements. Ils en ont bien saisi le sens et se sont dépêchés d’y ajuster leur politique agricole. Le renchérissement des céréales sur le marché mondial, le blé et le riz, entre autres, a, tout naturellement, pavé la voie à la réapparition des cultures vivrières de subsistance. À la faveur des diktats des bailleurs de fonds, elles étaient précédemment remplacées au cours des dernières décennies, par des produits subventionnés des pays occidentaux. Plusieurs pays africains et d’autres, ailleurs, ont bien compris la leçon. Certains, comme le Sénégal, ont déjà investi beaucoup de temps et de matières grises en vue de parvenir rapidement à l’autonomie alimentaire. Plus près d’Haïti, en République Dominicaine, la leçon a déjà donné lieu à des exercices pratiques sur le plan agricole. On s’y prépare, en effet, à favoriser l’essor des cultures vivrières sachant, a priori, que l’autonomie envisagée devra l’être pour deux : pour les Dominicains d’abord, mais aussi pour les Haïtiens ensuite qui n’arrivent pas à se nourrir et qui ne font rien pour y parvenir.


Pendant ce temps, c’est l’inaction complète au pays de Toussaint-Louverture. Si les peuples ont vraiment les gouvernants qu’ils méritent comme le veut l’adage, il faut croire que les Haïtiens sont très peu méritoires. Eux qui se reconnaissent le courage d’avoir, dans des conditions historiques tout à fait uniques, obtenu l’indépendance politique de leur pays, les voilà, paradoxalement, condamnés à traîner le boulet d’une direction politique insignifiante comme pour une expiation congénitale et comme si un mauvais génie avait présidé à la naissance de la nation.


Pendant combien de temps encore le peuple haïtien va-t-il accepter de végéter et de s’enliser dans les bas-fonds de la médiocrité? Alors qu’il se voit glisser de plus en plus, dans la dégénérescence, l’impossibilité de s’arrêter sur la pente ne devient que plus évidente en prenant conscience, chaque jour davantage, qu’il est le ressortissant d’un pays dont le seul titre de gloire, depuis des lustres, est d’être le premier sur la liste des mendiants internationaux.

Marc-Léo Laroche
Sociologue
03 nov 2008

cramoel.blogspot.com