jeudi, septembre 24, 2015

VERS UNE GUERRE MONDIALE ISLAMIQUE




Au cours des dernières années du vingtième siècle, quand la guerre froide a galvanisé le développement des recherches sur les technologies nucléaires, le monde était persuadé qu'une troisième guerre mondiale, si jamais il devait y en avoir une, serait nécessairement de type thermonucléaire. On avait plus ou moins la conviction que dans une telle occurrence, la planète serait devenue un désert qui mettrait fin à la continuité de la vie.

Il ne viendrait cependant à l'esprit de personne, aujourd'hui, de penser que cette guerre a déjà commencé. Peut-être pas dans la forme qu'on l'avait imaginée, ni avec les belligérants qui en sont actuellement les acteurs.

En fait, les débuts de cette guerre remontent à l'invasion de l'Irak en 2003 par Georges W. Bush sous le fallacieux prétexte que Sadam Hussein, alors président de ce pays, détient des armes de destruction massive lesquelles, en l'espèce, étaient appréhendées comme chimiques, bactériologiques voire nucléaires.

Il s'agissait officiellement de se défaire d'un dictateur dangereux pour le monde entier et de faire en sorte que la gouvernance de l'Irak soit désormais assurée selon des valeurs démocratiques. On avait convenu qu'une fois réglés les problèmes politiques de ce pays, on mettrait de l'avant les moyens nécessaires pour étendre ces valeurs aux États du Golfe et du Moyen-Orient où prévalent des régimes autoritaires.

Ces objectifs, les néo-conservateurs autour de Bush ( Paul Wolfowitz, Donald Rumsfeld, Dick Cheney, David Frum, Elliott Abrams, Condolezza Rice etc). n'en faisaient pas mystère dès l'arrivée du président à la Maison Blanche en 2001. Ce qu'ils cachaient jalousement, c'était la vraie raison du projet d'invasion de l'Irak. À cette fin, certains d'entre eux se réunissaient dans ce qu'on a appelé la société secrète avec la mission de mettre en œuvre, cartes à l'appui, la main-mise américaine sur les sites pétrolifères de huit régions particulières d'Irak. Eric Laurent1, dans un livre : La face cachée du pétrole a mis en lumière les mensonges et la désinformation dont cette mission a fait l'objet. Ces faits devaient être corroborés, ultérieurement, par le président de la Réserve fédérale américaine Alan Greenspan2 en 2007.


L'expédition militaire anglo-américaine a profondément déséquilibré la société irakienne. Jusqu'à l'arrivée des forces expéditionnaires, Irak bénéficiait, il est vrai d'une société instable que la poigne de fer de Sadam Hussein réussissait à maintenir ensemble entre les chiites majoritaires, les sunnites minoritaires et les kurdes autonomistes. De temps à autre, des interventions policières,voire militaires s'avéraient nécessaires pour maintenir l'ordre public.


L'intervention anglo-saxonne a bousculé toutes les fonctions unificatrices de cette société et jeté dans la mêlée les chiites contre les sunnites, les islamistes radicaux contre les modérés, les autonomistes ou isolationnistes contre les tenants du grand Irak sans compter ceux qui rêvaient de conquêtes territoriales et pour qui les sites pétrolifères présentaient un attrait irrésistible.


Toutefois, l'événement qui a précipité la déconfiture de la société irakienne remonte à la décision de Nouri al-Maliki, le premier ministre irakien, d'enclencher la répression contre les sunnites. En plus d'ordonner l'arrestation d'un grand nombre d'entre eux dont certains allaient périr devant le peloton d'exécution, il fit arrêter Tarek al-Hachemi, leur leader, qu'il accusa de''terrorisme et de complot contre le pouvoir''.


À compter de cet instant, toutes les vannes de la retenue furent ouvertes. Les complicités avec l' E.I, encore à ses débuts, devenaient manifestes. L'opposition des sunnites contre le régime se durcissait et devenait chaque jour plus aguerrie, au début, avec l'aide d'al-Kaïda et par la suite, tout seuls, avec des djihadistes comme peloton d'avant-garde, jusqu'à la proclamation en 2013 de L'État islamique en Irak et au Levant, en même temps que l'instauration d'un califat qui englobe l'Irak, la Syrie et le Kurdistan. Ces événements correspondaient à la montée en puissance de l'islam radical et à la désorganisation de l'armée irakienne devant les progrès réalisés par l'ennemi sur les champs de bataille. Face à cette constatation, le gouvernement irakien n'avait d'autre choix que de solliciter l'aide internationale. A quoi beaucoup de pays occidentaux ont répondu en plus de certains États du Golfe et du Moyen-Orient, s'engageant les premiers, à y aller de frappes aériennes contre Daech3 et les seconds, à fournir de l'aide matérielle et des instructeurs.


Il n'y a pas de doute, l'aide ainsi fournie a permis au gouvernement irakien de récupérer certains territoires qu'il occupait antérieurement, mais cela n'avait guère empêché l'État islamique de conquérir d'autres territoires. Vu que des jeunes de nombreux pays répondaient à l'appel du djihad, il ne semblait jamais en manque de soldats. Même les scènes de destructions de patrimoines historiques ou de décapitations à la face du monde ne l'ont  pas empêché d'augmenter son membership.


À l'islamisme radical du proche Orient, une dizaine de groupes du même genre d'Afrique se sont joints dont le plus connu est peut-être Boko-Haram qui a fait allégeance à Daech et qui en est l'émule en cruautés. En fait, en Afrique comme au Moyen-Orient, l'islamisme radical présente les mêmes objectifs : a) conquête d'un grand territoire en vue de l'instauration d'un califat b) application du salafisme, c'est-à-dire, de la charia. Ces deux objectifs sont subordonnés à une stratégie de la violence, à toutes les étapes visant la sujétion sinon l'exode des autres confessions.


Ce qui est très surprenant, c'est qu'après plus d'un an d'intervention des forces occidentales et orientales4 pour combattre Daech, la capacité de ce dernier ne semble pas s'émousser. Il est vrai que les forces de la coalition s'interdisent toute opération terrestre, mais avec les moyens technologiques dont elles disposent, on se serait attendu à ce qu'elles arrivent à refréner la progression territoriale de l'ennemi et sa combativité. Mais paradoxalement, on a l'impression du contraire.


Beaucoup d'États africains de confession musulmane ont été touchés récemment par le développement du radicalisme islamique5. Ce qui est vrai pour l'islamisme radical au Moyen-orient l'est aussi pour l'Afrique. Si la France a pu, à certaines occasions, l'emporter sur certains groupes de moindre importance du Maghreb islamique ou du Sahel, il reste beaucoup de choses à faire pour endiguer Boko-Haram, plus fort et plus aguerri que les autres groupes, même après la coalition de cinq états (Tchad, Bénin, Cameroun, Niger, Nigeria) pour le combattre et l'évincer du Nigeria et du Cameroun.


Tout cela préfigure une guerre de très grande envergure. En effet, elle a tous les ingrédients d'une potentielle conflagration mondiale. C'est une guerre de religion qui présente la complexité d'être à la fois une guerre de musulmans entre eux (Sunnites contre Chiites) et de musulmans contre les religions chrétiennes. En plus de cela, elle met en jeu une grande partie des peuples de la terre sur tous les continents. Jusqu'à présent, les combats sont d'intensité moyenne et, à part les millions de réfugiés qu'elle a jeté sur les routes du monde, relativement peu de gens ont péri sur les champs de bataille. Si les forces occidentales coalisées, devaient lancer des troupes terrestres dans la mêlée, pour plus d'efficacité, rien ne garantit que les jours à venir ne verront pas s'empirer irrémédiablement le sort abominable des multitudes de tous les camps en lutte dans ce qui pourrait être un embrasement général.


Marc Léo Laroche

Sociologue

20 sept 2015

1Eric Laurent : La face cachée du pétrole. Flammarion

2Alan Greenspan : Le temps des turbulences

3Daech est l'acronyme de l'État islamique. Les deux expressions sont utilisées dans ce texte.

4La coalition est formée de 13 pays occidentaux(Allemagne,Australie,Belgique,Canada,Danemark,Espagne,États-Unis,France,Pays-bas,Portugal,Royaume uni,Turquie) et de 5 États du Moyen-Orient(Arabie Saoudite,Émirats Arabes Unis,Jordanie,Maroc,Qatar).

5Les pays africains concernés sont entre autres:l'Algérie,le Mali, la Somalie,le Kenya,le Tchad,la Mauritanie,le Nigeria,le Cameroun etc.

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