mercredi, mai 10, 2006

L'AMÉRIQUE LATINE: UN NOUVEL ORDRE RÉGIONAL OU DAVANTAGE

 En ce début de siècle, à part l’avènement de l’Amérique latine sur la scène mondiale dans une défroque tout à fait nouvelle, loin des oripeaux repoussant des années 70, il y a très peu d’événements capables de cultiver l’optimisme des peuples. Dans quelque direction que l’on regarde, on se trouve en face de problèmes ou de situations qui alimentent la morosité ou même l’anxiété générale de manière conjoncturelle ou permanente.

Voyons-en quelques traits. Au chapitre de la santé, le sida continue ses ravages dans les contrées défavorisées de presque tous les continents. Les parades médicamenteuses orchestrées dans les sociétés avancées et qui ont fait leur preuve contre la maladie, ne semblent pas pouvoir être généralisées dans ces contrées, en raison de leur coût exorbitant. Quant à la crise aviaire qui ne cesse d’occuper l’opinion mondiale depuis belle lurette, si elle devait passer à la phase épidémique, elle donnerait lieu à la catastrophe virale la plus meurtrière que le globe ait connue.

Dans cette éventualité, les victimes se compteraient par dizaine de millions et on les estimerait globalement à plus de 40% de la population mondiale. Par comparaison, la grippe espagnole qui a décimé, environ deux millions d’individus au début du siècle dernier, apparaîtrait comme bénigne. Pourtant, on est loin de faire le compte sur le plan de la santé, avec la croissance de multiples formes de cancer et de toutes les nouvelles maladies qui éclosent ou se réveillent, à la faveur des problèmes d’environnement.

 Par delà la santé, comment ne pas mentionner, au surplus, l’intervention spectaculaire des phénomènes naturels! Qu’il s’agisse de secousses sismiques, de cyclones ou même de tsunamis, on semble assister, depuis quelques années, dans certaines parties du globe, à un processus récurrent, en nombre et en intensité, de manifestations de ces phénomènes causant, bien entendu, des pertes incalculables en vies humaines et en biens de toute nature. Nous ne parlons pas du réchauffement de la planète dont les conséquences, pour n’être pas toujours aussi spectaculaires, ne sont pas moins inquiétantes.

 En ce qui concerne les rapports des États entre eux, après l’implosion du bloc de l’Est, entre autres, d’aucuns croyaient parvenir à une période faste de l’histoire de l’humanité avec l’avènement du règne de la paix. Si la chute du Mur de Berlin a symbolisé la fin de la dictature soviétique et de ses satellites et le retour triomphal de la liberté, elle a aussi été porteuse d’une autre signification qui n’a pas été évidente tout de suite. Il s’agit de la fin de l’équilibre des puissances politico-militaires entre les deux blocs oriental et occidental, mais surtout, en corollaire, le début de l’hégémonie étatsunienne. Le monde n’a pas attendu longtemps avant d’entrer dans l’ère des tensions internationales en raison même de cette hégémonie, en plus des foyers de guerre multiples qui s’allument d’un bout à l’autre de la planète, à cause de formes diverses de nationalisme.

 Au chapitre du progrès économique, les pronostics des chantres du néo-libéralisme ne se sont pas réalisés. La richesse promise avec le développement et l’autonomie des marchés n’a profité qu’à un petit groupe. Ce à quoi on a assisté, c’est à une balkanisation sociale à un niveau jamais égalé depuis la révolution industrielle à partir d’un mantra incantatoire néo-libéral. L’organisation économique des vingt-cinq dernières années s’est, en effet, fossilisée dans un glacis autour du marché comme seul modèle régulateur. D’ailleurs, c’est parce que les règles des institutions étatiques ont été apostasiées au profit de marché auto-régulateur que les Etats-Unis ont connu les scandales répétitifs dont Enron est un exemple. Ces événements ont forcé plus d’un gourous de Wall Street à se dédire et à reconnaître les vertus de la régulation institutionnelle.

 Quoi qu’il en soit, il faut imputer au sauvage modèle de fonctionnement de l’économie, le fait que les riches deviennent infiniment plus riches et les pauvres infiniment plus pauvres. Parallèlement, les couches de protection sociales se sont anémiées, même dans les économies présentant, encore, un certain degré de mixité sur le plan organisationnel. Actuellement, un nombre important de ces riches le sont tellement qu’ils seraient capables d’acheter un pays entier pour un multiple de son PNB, pendant que les pauvres, de plus en plus nombreux à travers le monde et même dans les pays riches, ont beaucoup de mal à manger à leur faim.

 Pour les tenants du marché à tout crin et, potentiellement, les fossoyeurs de la société à visée égalitaire, la rigidité et l’écart vertigineux de ce clivage entre les catégories sociales ne disent rien sur le dysfonctionnement des sociétés. Au contraire, c’est la preuve de l’existence de la société idéale qui permet l’accomplissement des possibilités illimitées de chacun des individus. Voilà pourquoi, ils voudraient que la loi du marché puisse prévaloir partout sur la planète. A cette fin, ils poussent, par tous les moyens, à la neutralisation de l’intervention des gouvernements de manière à ce que les économies, au centre, puissent facilement disposer de déversoirs naturels pour leur trop-plein.

Un tel système assurerait l’expansion indéfinie de leurs entreprises et permettrait (cela, ils ne le disent pas) de vassaliser davantage les régions périphériques du globe. Mais leur discours tombe de plus en plus à vide. Dans les pays avancés comme dans les pays sous-développés, même des leaders, acquis au discours du laisser-faire à la mode, commencent à déchanter. Ils veulent bien que le marché existe, mais pas lui laisser la bride sur le cou, comme le réclament les idéologues du néo-libéralisme. Et ce n’est pas vrai que le meilleur gouvernement, c’est celui qui gouverne le moins. L’économie n’est pas un absolu, c’est un moyen—peut-être le plus important—mais un moyen quand même, en vue de l’organisation de la société. L’essence de l’économie est de servir à des finalités sociales.

C’est d’ailleurs dans cette logique que les tenants de la loi du marché ont mordu la poussière à l’UNESCO en 2005 sur la question épineuse de la diversité culturelle et que l’OMC peine à susciter les consensus nécessaires à la mise en œuvre de la réglementation du commerce mondial. Ce procédé d’inversion de la problématique d’organisation économique et sociale fait son chemin dans les mentalités en Europe et même parfois sur le plan politique. C’est le cas de l’Espagne de Zapatero, de l’Italie de Prodi et, peut-être, qui sait? de L’Angleterre du successeur de Blair, sans compter la France qui, à cet égard, est semblable à un fruit mûr qui n’attend que d’être cueilli.

 Mais, c’est surtout en Amérique latine que le modèle présente le plus de consistance et de cohérence.
 Que ce travail de mise à l’endroit s’opère à la barbe de l’Oncle Sam qui a toujours considéré cette partie du monde comme son arrière-cour, voilà qui tient du prodige. Du Venezuela au Chili en passant par le Brésil, l’Argentine, la Bolivie, sans compter d’autres états de l’Amérique centrale, un souffle nouveau de générosité idéologique balaie les broussailles des pampas et se répercute dans le nouveau modèle d’organisation sociale et économique en passe de devenir la règle dans ces pays. S’il faut que le Mexique et le Pérou, comme cela est plausible bientôt, fassent la même opération d’inversion qui replace l’homme—et non le marché—au centre des activités économiques, on assisterait à un mouvement d’importance, un nouvel ordre régional, voire davantage, dont les conséquences encore imprévisibles, seraient hautement positives, non seulement pour les populations sud-américaines concernées, mais pour le monde entier.

 Car, ce qu’il y a de répugnant dans le phénomène de la mondialisation, c’est qu’il semblait s’accompagner d’un déterminisme implacable, qui fait du monde entier un vaste marché et contre lequel aucun système nouveau d’organisation de la vie économique ne peut rien. Le modèle latino-américain est en passe de démontrer qu’il n’en est rien et que le monstre qui fait peur, pourrait être en papier mâché, si l’on y regarde d’un peu près. Bien entendu, plusieurs écueils doivent être surmontés avant la consolidation et l’élargissement de la voie latino-américaine. Dans la conjoncture actuelle de l’évolution du capitalisme et des enjeux que constitue la tendance au morcellement du marché mondial, l’un des écueils les plus importants est, sans nul doute, la réponse des Etats-Unis. Car l’économie de ce pays comporte sa propre impulsion : comme un dragon dévoreur et toujours affamé, elle a besoin de marchés libres pour se repaître continuellement.
 Marc L.Laroche
Sociologue

cramoel.blogspot.com/

dimanche, avril 09, 2006

LES ÉTATS-UNIS ET LA PAIX MONDIALE

Tant que la politique étrangère des États-Unis demeurera agressive, la paix mondiale sera un rêve irréalisable. Ceux qui pensaient qu'après s'être embourbés en Irak et causé la mort de plusieurs milliers d'individus, les États-Unis allaient faire connaître au monde un temps de répit, ont vite compris, en lisant leur journal ce matin, qu'ils s'étaient trompés. On y apprend, en effet, qu'ils envisagent d'attaquer l'Iran pour neutraliser son infrastructure nucléaire. Ils procéderaient, pour commencer, par des bombes atomiques tactiques qui peuvent causer des dommages en profondeur dans le sol et atteindre les installations militaires enfouies. Sans se préoccuper, bien entendu, des conséquences lointaines de leur infernal projet. Evidemment, ils vont, encore une fois, invoquer le fallacieux prétexte de la juste cause comme si le monde entier n'avait pas appris à décrypter les mensonges d'où qu'ils viennent et surtout s'ils viennent des partisans à outrance de la guerre. Devant pareil projet qui risque d'embraser les peuples du Moyen-Orient et du Monde, tous les hommes de bonne volonté devront se lever afin que l'arrogance, la violence et la duperie ne passent pas. Et ils devront le faire savoir par tous les moyens à leur disposition, par la parole et l'écrit, à la télévision et à la radio, dans les journaux, les magazines et le web etc. C'est avec de tels moyens qu'on peut vaincre le mal, quelque grand qu'il soit et sous quelque maquillage qu'il se cache.
M L.L le 09/04/06

jeudi, avril 06, 2006

LE COMPORTEMENT MÉDIATIQUE EN SITUATION PÉRIPHÉRIQUE


Par rapport aux états du centre, les états périphériques comme les provinces canadiennes ou même le Canada sont confrontés dans leur fonctionnement à un problème qui aurait pu être crucial si les contentieux de tout genre n’avaient été ravaudés par l’histoire.

Cela concerne les influences qu’ils subissent en raison de leur rapport de force sur l’échiquier géopolitique régional ou mondial. Ces influences, de divers ordres, se répercutent dans les positions mais surtout implicitement dans les préoccupations et la pratique médiatiques.

Au point de vue idéologique, cela s’applique, entre autres, au choix de la grille d’analyse d’événements politiques, sociaux ou économiques, à la promotion de valeurs privilégiées dans la compréhension et l’explication de ces événements, à la priorité donnée au traitement de certains phénomènes à l’exclusion de tels autres etc.

 Tous ces éléments mis en branle dans le jeu des relations internationales sont déterminés autant par la position des partenaires dans la dynamique du rapport de force économico-politique que par les traités existant et qui régissent ces relations. A l’égard de ces éléments, le comportement des médias en situation périphérique semble justifiable du syndrome du cheval de Troie par le peu de méfiance développée contre l’invasion idéologique dès lors qu’il s’agit d’états du centre. A telle enseigne que l’orientation des entreprises de presse en ce qui a trait au champ des idées frise souvent l’aliénation.

Là où l’on s’attendrait, dans les analyses, à des manifestations soutenues du sens critique, on se retrouve souvent devant des moutures qui ne se recommandent pas par leur audace ou qui transpirent de partout la pusillanimité. Mis à part les secteurs rebelles ou marginaux des médias qui sont généralement trop faibles pour être pris au sérieux, on s’empêche de prendre position devant le catéchisme idéologique des centres dominants.
 La mondialisation de l’économie en tant que processus qui devrait permettre, entre autres, aux pays pauvres de se développer, illustre bien cette entreprise de mystification. Point n’est besoin d’être un Nobel en économie pour comprendre que les pays pauvres n’ont rien à gagner de cette mondialisation menée tambour battant sur le plan de ses structures de régulation. Toute la stratégie derrière cette conceptualisation n’a pas d’autre but que de favoriser encore davantage l’ouverture des marchés de ces pays aux produits des hyper-centres économiques dont les Etats-Unis au premier chef.

 En corollaire, on assiste à la promotion juridique des entreprises transnationales au détriment des états relégués de plus en plus à un délestage de leur souveraineté. Mais la presse dans les états périphériques, plutôt que de s’atteler à lever le masque dans cette foire d’empoigne internationale ou de crever le ballon de baudruche mystificateur, choisit souvent de jouer plutôt les valets sinon les va-t-en guerre en se faisant la mouche du coche des centres de domination.

 Les événements entourant l’action terroriste à New-York le 11 septembre 2001 contre les tours du World Trade Center fournissent également un exemple éloquent sur la manière dont les médias en situation périphérique se comportent vis-à-vis de la puissance idéologique d’un des états dominants. En abdiquant leur faculté de nommer les phénomènes et en acceptant d’emblée la phraséologie des ces états, ils perdent de vue qu’ils justifient le background idéologique dans lequel les phénomènes ainsi nommés sont enrobés.

On n’a qu’à penser, par exemple, après l’événement du 11 septembre, à l’éradication systématique dans les médias du " combattant de la liberté. " Sans doute, l’époque est-elle fertile en terroristes de tout acabit mais l’amalgame est énorme et facile qui consiste à affubler du titre de terroristes tous les gens qui, à travers le monde, luttent pour la liberté. Comment oublier, par ailleurs, " l’axe du mal "ou les " états-voyous " etc. les plus connus de ces expressions qui connotent une charge négative appelant la condamnation universelle de ces sociétés ou ces états! Ce n’est pas évident pour tout le monde, dans ces états périphériques, le mal dont il s’agit, ni dans quel sens les états-voyous le sont puisqu’ils partagent avec beaucoup d’états de bonne réputation les attributs qui fondent le jugement—soit la possession ou le désir de possession de la bombe nucléaire.

Mais les médias s’interdisent toute objectivation de la complexité de cette situation. Ils s’abstiennent de mettre en équation des données qui pourraient éclairer merveilleusement la géopolitique mondiale. En effet, la vocation à la militarisation à travers le globe, particulièrement en ce qui concerne la possession de l’arme nucléaire, est en relation directe avec le bellicisme d’un des états dominants. Il est évident que beaucoup de peuples cherchent à se protéger à cause de l’agressivité de la politique étrangère des Etats-Unis. Pourtant, les organes de presse en périphérie plutôt que de passer leurs ukases et leurs condamnations au crible de la critique se contentent de jouer les caisses de résonance et de les répercuter ad nauseam.

 A moins qu’ils ne passent une bonne partie de leur temps à faire la chasse aux secteurs sociaux se réclamant d’une philosophie d’action axée sur la promotion sociale de tous à l’encontre du credo individualiste dominant. Ou encore, sous prétexte d’information, en se contentant de puiser, par mépris ou condescendance, dans le magasin général des lieux communs et des préjugés sur les pays pauvres ou sous-développés.
 On peut rêver d’un monde où la famine et la maladie seront vaincus sur toute la planète. Un monde où les guerres seront définitivement perçues comme un vestige de la barbarie et où la paix serait devenue le nouveau critère d’évolution de l’humanité. En attendant que survienne cette nouvelle ère, il y a un rêve moins grandiose—et qui sait?—peut-être non moins important, qu’il conviendrait de caresser, dans la mesure où il serait le tremplin en vue de la réalisation des autres rêves. Il s’agirait simplement d’établir le courage à la place de l’hypocrisie dans les relations internationales. Le courage du cœur et de l’esprit.

Ce jour-là arrivera quand les médias périphériques ne seront pas gênés de conclure et de le faire savoir à travers le monde que telle guerre déclarée au nom de principes sacrés et qui a valu des dizaines de milliers de morts, n’a pas d’autre but que la volonté de mainmise sur les puits pétroliers du pays concerné. Ce jour-là arrivera également quand le monde pourra apprendre que tel chef d’état d’un pays émergent a été assassiné non parce qu’il finançait l’action terroriste à l’étranger comme on le prétend, mais parce qu’il refusait d’être le valet d’un état dominant. La plupart des médias de ces états périphériques sont régis par des organismes indépendants qui en assurent le fonctionnement au point de vue professionnel. Tout porte à croire que ces organismes qui garantissent la compétence des spécialistes de la communication, sont eux-mêmes mystifiés par l’influence idéologique des centres de domination car, semble-t-il, jamais cette influence malsaine ne fait l’objet de leurs interventions. C’est ainsi que la dépendance idéologique à l’égard de ces centres n’existe pas comme problème. Dans l’état actuel des relations entre ces centres et la périphérie, à moins que ne se développe une attitude plus critique des médias devant l’invasion idéologique des centres, on peut penser que cette situation va se maintenir longtemps encore, manifestant odieusement la dépendance des états en situation périphérique.
 Marc L.Laroche
Sociologue
le 15/05/06