jeudi, juillet 02, 2015

DÉPORTATION DE DOMINICAINS D'ASCENDANCE HAÏTIENNE





Il se passe actuellement en République Dominicaine l'un des pires cas de négation des droits humains.Malheureusement, cela a lieu au moment où l'attention mondiale est accaparée par «l'état islamique» dans sa guerre totale sur trois continents.

Depuis quelques semaines,en effet, les Dominicains d'ascendance haïtienne sont sous le coup d'une déportation. Nés en République Dominicaine de parents sans citoyenneté dominicaine, ces Dominicains se font, pour cette raison même, confisquer leur certificat de naissance par le pouvoir quand ce document existe. À moins que leurs parents ne se soient vus, dès le début, dénier le droit de s'en faire délivrer, comme cela arrive souvent, rendant leurs enfants nécessairement apatrides dans les deux cas. Bien entendu, cette négation du droit du sol se fait au mépris de traités internationaux que la République Dominicaine avait officiellement reconnus.La décision de cette déportation a été prise le 23 septembre 2013 par un arrêt de la Cour constitutionnelle connu sous le numéro 0168/13 ciblant particulièrement les Dominicains d'ascendance haïtienne.

Il faut savoir que les relations houleuses avec les Haïtiens ne datent pas d'hier. Dès le début du XXème siècle, ces derniers ont fait l'objet d'ententes plusieurs fois renouvelées entre les gouvernements haïtien et dominicain, à l'occasion de leur embauche comme ouvrier agricole dans l'industrie sucrière. Pourtant, ils n'ont jamais cessé d'être maltraités de toutes les façons, socialement,économiquement et juridiquement. Tout au long du siècle dernier, leur traitement a fait l'objet de nombreuses dénonciations tant de la part d'organismes internationaux comme l'ONU, l'OEA etc.que de divers ONG comme leCIIR,l'OIT ou the Anti-Slavery Society de Londres etc.

Depuis quelques semaines, réagissant à la pression des autorités et aux différents signaux du pouvoir dominicain,on voit ces Dominicains, parfois tout dépenaillés, avec le peu de biens dont ils disposent, sur les routes à destination d' Haïti, un pays que la plupart ne connaissent pas.



Car beaucoup d'entre eux savent ce qu'est un signal du pouvoir dominicain. C'est par un signal de Rafaël Léonidas Trujillo, le président du pays dans les années 30, qu'environ 20000 à 35000 d'entre eux ont été égorgés en 1937 à l'arme blanche, à la baïonnette par les soldats et aux couteaux par les résidents d'une vingtaine de localités le long de la frontière haïtiano-dominicaine du Nord au Sud depuis Monte Christi. Si l'on met de côté les millions d'Ukrainiens morts de faim par la volonté de Staline entre 1932 et 1933, l'extermination des Haïtiens inscrite dans les annales de différentes chancelleries mais qui n'a jamais passé la rampe de la presse internationale est pourtant considérée comme le deuxième génocide du vingtième siècle après celui des Arméniens en 1915. Il faut,en partie, imputer la cause de cette ignorance à l'indifférence internationale et aussi aux carences des agences de presse malgré que certaines d'entre elles comme la United Press et le New York Times, au moins par un article,ont essayé d'en répercuter la nouvelle. À cela il ne faudrait pas passer sous silence la réclamation d'un membre du Congrès que les États-Unis rompent leurs relations avec la République Dominicaine en raison de ce génocide.



Ce pays a toujours considéré l'immigration haïtienne comme un mal nécessaire. Nécessaire parce qu'elle permet de répondre, répétons-le, aux besoins en main-d'oeuvre de l'industrie sucrière et garantissant par le fait même son développement. Mais surtout un mal parce qu'elle ne correspond pas au modèle envisagé de l'idéal dominicain. Cette attitude dichotomique, si elle n'est pas toujours présente dans la population, varie d'un pôle à l'autre selon les événements et les impératifs historiques.



La société dominicaine est une société métissée, composée,en majorité, de descendants d'européens surtout d'espagnols et de descendants d'esclaves africains qu'ils sont allés chercher en remplacement des aborigènes, en l'occurrence, les Taïnos qu'ils avaient préalablement exterminés.. Mais par un étrange processus mental à la lisière de la schizophrénie cette société se perçoit comme formée, bien entendu, d'Européens mais aussi de Taïnos quand il s'agit d'expliquer l'origine des non-blancs, oblitérant les caractères africains, au moment même où la réalité convainc éloquemment du contraire. Car si les Taïnos y ont laissé des traces comme d'ailleurs en Haïti,elles sont loin d'être considérables. Dans une étude présentée au congrès médical dominicain en 1951, Dr José de Jesus Alvarez a évalué les composantes du génotype dominicain dans les proportions suivantes:17% d'indiens(Taïnos), 40% de blancs et 43% de noirs. Évidemment, beaucoup n'en crurent pas leurs oreilles.



C'est dans ce contexte pathologique qu'il faut comprendre la dynamique des relations avec l'immigration haïtienne et surtout avec l'existence de Dominicains d'origine haïtienne. Évidemment, il y a, à la base, un racisme qui est tantôt déguisé tantôt manifeste selon les couches sociales concernées et qui traduit la volonté politique d'épurer la dominicanité de certains phénotypes.



Il y aurait beaucoup à dire sur l'attitude des gouvernements haïtiens successifs sur ce phénomène, mais ce n'est pas l'objet de notre propos. On peut seulement prévoir que le jour où le gouvernement haïtien s'avisera de mettre en question l'entente concernant la main-d'oeuvre haïtienne --car,il faut, de toute urgence y arriver--la République Dominicaine ne manquerait pas de jeter des cris d'orfraie. En attendant, en dépit des protestations haïtiennes maintes fois formulées, rien ne semble devoir arrêter le processus de déportation de ces Dominicains



Marc Léo Laroche

30juin 2015


cramoel.blogspot.com