Ce blog est voué essentiellement au traitement de problèmes sociaux et politiques en général et de ceux concernant les Haïtiens en particulier qu'ils soient de la métropole ou de la diaspora. Il vise à informer et à susciter la réflexion sur des problèmes cruciaux d'Haïti et du monde. Avec le temps,des oeuvres littéraires s'y sont greffées (recueil de poèmes,récit,romans) enlevant le caractère volontariste des premières ébauches du blog.
mardi, novembre 23, 2010
L'IMAGE D'HAÏTI À L'ÉTRANGER
mardi, novembre 09, 2010
DISCOURS IDÉOLOGIQUE OU RACISME
Sociologue
dimanche, octobre 03, 2010
UN CAS D'INEPTIE ADMINISTRATIVE: LA PRODUCTION DU CAFÉ EN HAÏTI
Récemment, dans un article paru dans Le Nouvelliste[i], j’ai eu à faire mention de la condition difficile de la paysannerie haïtienne à travers l’histoire, en raison de son continuel abandon par les pouvoirs publics. Les répercussions désastreuses de ce retrait politique sur la condition paysanne peuvent être attestées par tous les marqueurs sociaux de la précarité caractérisant le mode de vie rural.
En raison du rôle important qu’a joué le café dans l’évolution du pays en général et dans celle de la paysannerie en particulier, il n’est pas inopportun d’observer le comportement singulier des pouvoirs publics en regard du processus laborieux de cette production.
Comme indiqué antérieurement dans le texte déjà signalé, c’est, d’une certaine manière, la production caféière qui a sonné le glas de la production sucrière, dans la mesure où cette denrée, cultivée partout dans l’arrière-pays depuis le XVIIIème siècle, a monopolisé les bras que requéraient, au début du XIXème siècle, les installations sucrières héritées de la période coloniale. On connait la cause de cette situation : au lendemain de la libération des esclaves, les nouveaux libres n’avaient rien de plus urgent que de fuir les plantations agro-industrielles des plaines où sévissait la rigueur du caporalisme agraire qui leur rappelait le régime esclavagiste. De sorte que, dès cette époque, le café qui commande, comme production, moins d’investissement de temps de travail que les autres types de production, a été leur culture de prédilection dans les mornes, avant de ravir la première place comme ressource d’exportation. Par la suite, malgré la volonté de rentabiliser certaines industries antérieurement prépondérantes comme le sucre, l’indigo, le coton etc. les tentatives de l’État, à cet égard, n’ont pas été couronnées de succès.
C’est ainsi que le café allait devenir, pendant une période de 150 ans environ, la colonne vertébrale économique du pays. De la fin du XIXème siècle au premier quart du XXème siècle, Haïti a exporté une moyenne annuelle approximative de 32millions de kg de café. À compter du premier quart du XXème siècle jusqu’au milieu des années soixante, la moyenne annuelle a connu une baisse de 6 millions de kg environ passant à 26millions 5; cette chute s’est accélérée, tombant à 16 millions de kg, à compter du dernier tiers du XXème siècle. Pourtant, cette donnée moyenne ne rend pas justice de la réelle situation au cours des dernières années, car elle cache une baisse tendancielle qui s’est affirmée de plus en plus, puisque la production moyenne par année, de 1990 à l’an 2000 concernant les onze années impliquées, s’est affaissée à 984mille kg.
L’explication de cette situation dépend de plusieurs facteurs dont les principaux sont, d’une part, le désabusement des paysans-producteurs en raison de la chute des prix de la ressource sur le marché international. Moyennant quoi, les plantations de caféiers se voyaient, peu à peu remplacer, dans certaines régions, par des productions plus rentables. D’autre part, le recul de la ressource sur le marché de l’exportation en raison du délabrement des plantations dû à leur vieillissement et à l’érosion quand ce n’est pas certaines maladies propres aux arbres fruitiers. Enfin une troisième explication de la situation réside dans les nouvelles dispositions prises eu égard à la commercialisation du produit. En effet, il semble qu’une partie du café destiné à l’exportation ait pris, depuis quelques années, les chemins de la République Dominicaine sans que la transaction ait été préalablement enregistrée et donc, sans aucun bénéfice fiscal pour le pays. On se rend compte à quel point la situation actuelle laisse place à l’organisation et à la réglementation et combien l’inertie étatique s’avère éloquente!
Devant une telle situation et à cause de la place occupée par la ressource dans la balance des paiements du pays, depuis très longtemps, le tintement d’une sonnette d’alarme aurait dû se faire entendre aux oreilles du pouvoir. En effet, en dépit de la faiblesse de la production haïtienne de cette ressource, on peut imaginer que tout État se trouvant dans les mêmes situations se serait doté d’un centre de recherches sur le café permettant de maîtriser les facteurs susceptibles d’influencer sa production et d’augmenter son attrait sur le marché international.
Un tel centre se serait préoccupé de connaître le climat qui convient le mieux au développement de la ressource, la qualité des sols qui se prêtent davantage à cette culture, les causes de la destruction de certaines caféières (ancienneté, appauvrissement du sol, ravages d’insectes etc.) les espèces les plus appropriées aux latitudes, aux niches écologiques et aux conditionnement des sols et, bien entendu, les moyens agronomiques ( physiques, chimiques, biologiques y compris les travaux agricoles) que requiert le dynamisme des exploitations caféières en vue d’une performance optimale.
En conséquence, des solutions appropriées auraient pu être prises comme la chasse aux insectes ravageurs, la régénération des plantations, la fertilisation des sols etc. Mais, les pouvoirs publics n’ont jamais cherché à savoir les causes de la détérioration de la production pas plus qu’ils n’ont contribué, d’une quelconque façon, à des solutions circonstancielles. Ils sont heureux d’avoir les devises que procure le commerce du café sans jamais apporter d’aide aux paysans, qu’elle soit technique, scientifique, fiscale ou autre.
Il en est de même de l’aspect marketing du produit. Cela suppose, pour commencer, une réglementation relative au traitement de la production vouée au marché international et, bien entendu, un contrôle de la qualité qui se doit d’être contraignant pour l’intégrité du produit. Or, il semble que beaucoup de livraisons sur le marché international laissaient à désirer en regard de plusieurs dimensions de la qualité, même si les Haïtiens se targuent, depuis toujours, de produire le meilleur café du monde. Le mythe a la vie dure même après le déclassement du café haïtien, auprès de plusieurs officines d’importation. Il serait intéressant de savoir si l’Institut national du café haïtien (INCAH) est perméable à ces préoccupations et a déjà pris les mesures de redressement nécessaires.
Bien que le prix du café sur le marché international soit une donnée importante. En regard, toutefois, de notre réflexion sur le sujet, cette préoccupation est plutôt mineure. De toute manière, étant donné la faiblesse de la production haïtienne, c’est un secteur sur lequel les pouvoirs publics n’ont aucun contrôle. D’ailleurs, même le processus de la production et du traitement du produit sur lequel ils devraient avoir prise, leur a toujours échappé, soit en raison de leur indifférence à l’égard des paysans-producteurs, soit plus probablement, par ineptie administrative. De sorte que, de tout temps, la production caféière, principal facteur de l’entrée des devises au pays, a été régie par la force d’inertie.
Qu’aujourd’hui, certains secteurs paysans veuillent prendre la situation en main en s’organisant en coopérative de production ou de toute autre manière, pour remonter le courant, voilà qui devrait susciter l’encouragement, voire l’aide des pouvoirs publics. Pourtant, en dépit d’une orientation que salue le bon sens, il n’est pas sûr qu’elle soit toujours partagée au niveau où se prennent les décisions de manière à susciter l’aiguillon administratif nécessaire. L’indifférence à l’égard de la paysannerie est tellement forte qu’on oublie aisément qu’elle est un des principaux moteurs de l’évolution du pays, ne serait-ce que par son rôle d’approvisionnement alimentaire des villes. De sorte que toute politique dont elle pourrait être la cible spécifique est considérée a priori comme une perte de temps.
Marc-Léo Laroche
Sociologue
2 octobre2010
www.cramoel.blogspot.com
[i] Marc-Léo Laroche : La paysannerie haïtienne: produit imprévisible d’un militarisme agraire, Le Nouvelliste, 18.08.10
jeudi, septembre 09, 2010
LA MONDIALISATION DE L'OCCIDENT
Dans une de ses chroniques, Jacques Attali évoquait l’occidentalisation du monde[i]. Selon sa thèse «… la plupart des gens dans le monde pensent…que l’Occident représente le paradis qu’ils recherchent et ne rêvent que de l’imiter… Les valeurs de l’Occident sont, pour le meilleur ou pour le pire, en train de devenir universelles : l’individualisme et tout ce qui en résulte (la démocratie formelle, les droits de l’homme, l’économie de marché, la propriété privée) est partout triomphant ou recherché. Chacun en Inde, en Chine, au Nigeria, veut avoir aussi accès aux bienfaits matériels qui en découlent et dont l’Occident se repaît. »
L’auteur n’a pas tort dans le cadre de son niveau de réflexion. Si cette analyse n’est pas dépassée, je crains, néanmoins, qu’elle ne s’achemine allègrement vers sa date de péremption avec l’accélération de l’histoire. En attendant, la mondialisation de l’Occident qui n'est pas, tout à fait, la perspective inverse mais qui a le bénéfice de ne traîner aucun soupçon d’occidentalocentrisme, semble présenter, sur le plan de la connaissance, des garantis supplémentaires.
Il est assez curieux qu’on parle généralement de la mondialisation comme d’un événement nouveau. C’est, au contraire, un phénomène qui plonge ses racines assez loin dans le temps quand le capitalisme marchand, recourant à un appel d’air, ouvrait la voie à l’exploration des mondes lointains. C’était déjà la mondialisation sans le mot. Pour que le mot en arrive à désigner le phénomène, il en a fallu une condensation à une période particulièrement propice à un mode d’expansion du capitalisme à la fin du dernier siècle. On n’a pas fini d’en étudier les mécanismes et encore moins d’en rendre compte.
Quoi qu’il en soit, on ne peut pas nier que la tendance à l’attrait des modes de vie exotiques ait été dans l’air depuis assez longtemps, même avant Montesquieu, mais c’est surtout à compter du XIXème siècle que les littératures européennes ont commencé à s’imprégner vraiment des cultures orientales, africaines, asiatiques etc. L’engouement est venu plus tard avec les arts de représentation avant de connaitre une explosion avec la musique, l’art culinaire, les formes de spiritualité et les voies ésotériques de la sagesse. Il n’est que de passer en revue les thèmes généraux des manières de vivre à l’époque contemporaine pour s’en convaincre.
Il n’y a pas de doute, la culture occidentale a été longtemps un mur contre lequel les cultures exotiques, sous prétexte de barbarie, venaient se briser ; avec les temps modernes, on a vu s’effriter ce mur avec l’entrée en force du relativisme culturel. Jusqu’alors les codes moraux et esthétiques étaient des châteaux-forts réputés inexpugnables. L’ère du doute est arrivée avec la percée du relativisme moral ou culturel qui s’accompagnait d’une pédagogie des sens. On a appris à voir, à sentir, à écouter, à goûter d’une autre façon et à se méfier de nos idiosyncrasies particulières. C’était la révolution copernicienne dans le domaine de la perception et de la culture. On n’était plus sûr ni de l’interprétation des phénomènes qu’on avait sous les yeux, ni de la valeur éthique ou morale d’un comportement, pas plus que les critères de beauté d’une œuvre d’art. Cette tendance allait, d’ailleurs, s’affirmer davantage dans les sociétés occidentales, à l’ère de la postmodernité, par l’éclatement de ce qui restait des formes et des valeurs dans le domaine des arts et des systèmes axiologiques. « Le postmoderne, dit De Castro, a une volonté de non-sens : tout ce qui est « vrai » « bon » ou « esthétique » devient absolument relatif »; chez lui, continue-t-il ailleurs : « …l’inversion de la rationalité se transforme en nouvelle métaphysique [ii]». Avec le temps, on ne sait plus quelles lunettes ont servi à faire le point sur les productions culturelles, les manifestations comportementales ou les valorisations idéologiques tirées du bouillon collectif occidental, fussent-elles d’origine purement autochtone. Cette transformation dans les schèmes de référence s’accompagne, bien entendu, de la mutation de l’individu en un autre, postmoderne, chez qui se crée un effet de déséquilibre s’accompagnant souvent d’un sentiment bien contemporain de perdition dans le temps et l’espace.
- Il s’ensuit que le recentrage du monde n’est plus nécessairement spatial ou géographique, il est polycentrique quand il ne s’achemine pas, de plus en plus, vers un modèle cosmique et symbolique. Le temps n’est plus où il fallait s’expatrier pour visiter une mosquée ou manger du canard laqué, du sushie ou du pemmican, rencontrer un gourou vous ouvrant les voies de la sagesse ou même un chaman à l’œuvre avec ses sortilèges. Il y a des effluves sur le bord du Rhin ou de la Seine qui rappellent autant ceux sur les rives du Zambèze, du Brahmapoutre, de l’Okavango ou de la Magdalena. Il n’est pas rare, par ailleurs, de rencontrer des Allemands et des Belges, des Français et des Tchèques qui délaissent leur cuisine au beurre pour la cuisine thaïlandaise, malaise ou vietnamienne moins riche en gras animal quand ils ne jettent pas leur dévolu sur des produits biologiques arrivant de bleds perdus de l’Afrique, des Antilles ou de la Polynésie. D’ailleurs, ils n’ont pas besoin de faire un périple pour trouver les milliers d’espèces de fruits et de légumes dont regorge la planète, ils n’ont qu’à passer souvent au marché du coin à un jet de pierre de leur résidence. À défaut de la colonisation par les hommes comme l’Occident en a montré l’exemple, c’est la colonisation par les choses, à laquelle l’Occident peut difficilement résister. Le mot d’Alain Finkielkraut « …il ne s’agit pas d’ouvrir les autres à la raison, il faut s’ouvrir à la raison des autres [iii]» devient une nécessité économique dictée par la logique de l’expansion capitaliste.
Il est vrai que le temps n’est plus à la prise de conscience ; il est davantage de l’ordre du compromis avec la réalité. Nous sommes devant un processus qui se joue des volontés particulières et qui, comme une avalanche, s’apprête à tout bousculer sur son passage à moins de consentir à aller dans le sens du courant. Telle est la situation de l’Occident dans le processus de la mondialisation.
À l’ère où Paul Virilio entrevoit déjà l’ombre projetée de l’ « Outre-ville » ou de l’ « Omnipolis », ce n’est pas le domicile à Paris, à Melbourne, à Tegucigalpa ou à Tokyo qui est significatif. Ce qui l’est, c’est la gestion de l’information permettant le contrôle de l’« ici et maintenant » partout où l’on se trouve sur la planète. Il y a un tel déclassement des faits de l’Histoire que tout le monde est interpellé au même titre à répondre aux enjeux de l’avenir qui s’annoncent déjà dans le présent. Il est vrai, selon Virilio, « que n’importe quel scandale, n’importe quelle révolte (il aurait pu dire n’importe quelle catastrophe naturelle ou accidentelle) tend aujourd’hui à se disperser dans le réseau d’instantanéité et la logique de disparaître [iv]»« .
Les faits de civilisations synchroniques ont tendance à prévaloir sur les faits diachroniques. Il en est ainsi en raison du nouveau paradigme que constituent le processus et le vaste champ de la communication. Sur la ligne du départ du marathon vers le futur, l’Occident présente des garantis auxquels la plupart des États-Nations ne peuvent pas prétendre, ils ne sont pas moins sur la ligne de départ en même temps, en raison d’un impératif qui n’arrive pas souvent dans l’histoire. Il s’agit, en l’occurrence, de l’enjeu universel de l’échange ou de la communication. L’occidentalisation du monde comme phénomène sera, peut-être, longtemps encore une vue plaisante de l’esprit, mais l’expression risque de trahir un combat d’arrière-garde au plan idéologique contre la mondialisation de l’Occident inscrite profondément déjà dans les gênes des structures sociales orientées dans le sens de l’histoire.
Marc-Léo Laroche
Sociologue
2010-09-08
www. cramoel.blogspot.com
[i] Jacques Attali: L’Occidentalisation du monde, L’Express, semaine du 26 juillet au 3 Août 2010
[ii] Fabio Caprio Leite de Castro: Le postmoderne ou l’hémorragie du discours, Revue Internationale, 25 oct 2007.
[iii] Alain Finkielkraut: La défaite de la pensée, Gallimard, 1987
[iv] Paul Virilio in de Castro: Le postmoderne ou l’hémorragie du discours