jeudi, juillet 22, 2010

À LA RECHERCHE DU SENS

À lire tout ce qui a été écrit en marge des différents sommets autour des échanges sur la libéralisation du commerce (OMC, AMI, ALENA, ASIE-PACIFIQUE, SOMMET des AMÉRIQUES etc.) on est confondu de constater l’incapacité des commentateurs des scènes politiques et sociales à s’élever à la hauteur de vues nécessaire pour comprendre le comportement des opposants à ces événements.

S’il est juriste, criminologue ou policier, ce commentateur se borne à rapporter ces comportements aux balises juridiques définies dans les différents codes de lois pour les vitupérer de façon générale et plus rarement pour les excuser ou les justifier.

S’il est psychologue ou psycho-sociologue, il pourra difficilement s’abstraire des éléments de la psyché individuelle ou de la conscience collective et s’abstenir de faire état des « pulsions agressives » pour expliquer tel ou tel comportement des acteurs concernés.

Mais si par malchance on tombe sur un théoricien de la doctrine néo-libérale qui fait du « marché » la voie royale de l’épanouissement de l’homme, on a l’occasion de voir accoucher beaucoup d’inepties sur ces opposants et sur le fonctionnement de la société.

Bien entendu, les journalistes se font rarement remarquer dans ce concert par une réflexion profonde. On peut leur trouver des circonstances atténuantes, vu qu’ils n’ont pas souvent le recul suffisant pour mettre en perspective les faits dont ils doivent rendre compte quotidiennement.

Les seuls qui pourraient s’élever à la hauteur nécessaire pour comprendre et expliquer ces phénomènes e, surtout, frayer un chemin dans la confusion des valeurs qui accable les sociétés, ce sont des philosophes ; or, ils sont aussi rares dans les médias que les aurores boréales sous les tropiques

Pourtant, ce n’est pas le besoin qui manque d’expliquer les enjeux économiques et sociaux auxquels l’humanité doit faire face. Il y a actuellement une crise de la planète Terre et peu de gens en sont conscients .Parmi ces derniers, il s’en trouve pourtant qui choisissent sciemment de subordonner les préoccupations relatives à la planète à leurs intérêts financiers à court terme.

En attendant, les sociétés sont livrées pieds et poings liés à des épiciers de tout acabit qui n’hésitent pas à mettre sur un plateau de la balance, la destruction de l’environnement et, à terme, celle de la planète, et de l’autre, la libéralisation du commerce et l’accumulation des dollars dans leur compte de banque. Et il faudrait laisser faire…, compter sur ces épiciers pour gérer la crise la plus grave que confronte l’humanité!

Dans ce désert de la réflexion, les gens de toute appartenance qui sont capables de prendre des risques (risques d’être blessés, gazés, d’avoir un dossier criminel ou même de perdre la vie) contre le rouleau compresseur de l’uniformisation et forcer à la réflexion, ont droit à l’admiration. Et ce ne sont pas quelques « casseurs » se faufilant parmi eux et, de toute façon, non-significatifs statistiquement, qui devraient amoindrir cette admiration, malgré l’amalgame que font les défenseurs de la pensée unique pour diaboliser tout le mouvement d’opposition.

Contrairement à ce que croit le Premier ministre du Canada, ce ne sont pas les élus du peuple qui peuvent apporter une contribution significative au développement social et humain. Les changements opérés à leur niveau sont souvent bien minimes et n’ont généralement aucune portée sur le plan des valeurs. Or, tout vrai changement au plan humain se mesure à l’aune des valeurs. À cet égard, seules de rares personnes dans l’histoire des sociétés peuvent être comptables de tels changements. En général, elles ont ceci en commun qu’elles n’ont jamais appartenu aux sphères de l’État.

S’il fallait attendre, par exemple, que les interrogations légitimes concernant les OGM viennent des députés, cela fait longtemps que le Canada serait couvert d’un océan à l’autre de plantes génétiquement modifiées. Il en est de même de toutes les substances chimiques qui rentrent dans l’alimentation des animaux avec la bénédiction de Santé-Canada. N’était-ce des cris venant d’un peu partout en dehors de la sphère de l’État, il n’y aurait aucun questionnement sur des pratiques qui ne sont fondées que sur une conception fausse de la rentabilité et donc, à l’encontre des vraies valeurs.

Il n’y a pas de doute, pour passer à travers la crise, les sociétés auraient besoin de moins d’épiciers de toute provenance, moins de policiers, moins de courtiers en finance et beaucoup plus de philosophes qui soient capables de s’abstraire des contingences, fussent-elles institutionnelles, pour retrouver les valeurs en cause dans les débats et interpréter les événements.

Le jour où cela se vérifiera, il y a des probabilités que les défenseurs de l’environnement, de la production alimentaire naturelle, de la culture etc. qui se retrouvent dans le réflexe anti-mondialisation des manifestants lors des événements cités plus haut, soient vus pour ce qu’ils sont, c’est-à-dire, non pas à l’instar des bandits comme se plaisent à les voir les agents du pouvoir, mais comme les révélateurs de la situation épouvantable de la planète, tout en signalant la nécessité d’opérer un changement draconien dans l’ordre des valeurs, afin de parvenir à la transformation souhaitée des sociétés.

Marc-Léo Laroche

15 mai 2001

www.cramoel,blogspot.com

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