mardi, octobre 16, 2007

AUTOUR DE L'AFFAIRE MAILLOUX



Je ne sais que penser de l’opinion de ceux—de plus en plus nombreux—qui croient que l’affaire doc Mailloux, deux jours avant l’intronisation de Michaëlle Jean comme Gouverneure Générale n’est pas fortuite. Elle serait orchestrée dans un but précis dont les raisons ne sont pas claires. Quoi qu’il en soit, en marge de cette affaire, je préfère pousser ma réflexion vers d’autres avenues.

D’abord, il n’est que d’observer comment la table est mise à l’émission Tout le monde en parle pour se rendre compte que les invités se font souvent manipuler. On les lance sur la piste des lièvres à débusquer et les voilà partis, tous muscles tendus, à la poursuite de leur proie. Il est vrai que ces précautions s’avèrent superflues pour un prédateur du calibre de doc Mailloux.

Mais ensuite, non content de manipuler les invités, voilà que Radio-Canada récidive avec le public. Des protagonistes de ce réseau, Mario Clément directeur de programmes et Guy A Lepage producteur de l’émission, n’ont-ils pas déclaré: " Nous sommes de ceux qui pensent que les discours offensants, réducteurs et haineux doivent être discutés publiquement et dix fois plutôt qu’une "?

Je m’inscris en faux contre une telle assertion, car le biais pris pour en discuter relève de la sanction pénale. C’est par de tels biais que Ernst Zundel le ressortissant allemand antisémite a subi les rigueurs de la loi et a été déporté dans son pays d’origine.

D’ailleurs, il faut être grandement naïf pour ne pas voir la tentative de manipulation de ce discours. Tout se passe comme si Radio-Canada se découvre tout à coup une mission de purger la société de ses tares. Heureusement que les gens veillent et savent discerner le vrai du faux et, en l’occurrence, comment cette chaîne exploite les bas instincts de tous les doc Mailloux pour augmenter son audience auprès de la population québécoise. Car là réside son objectif primordial qu’elle tient à garder loin de la lumière.

En marge de la même affaire, l’émission Le Point a eu à rencontrer trois spécialistes sur la question particulière des tests psychométriques. Il paraît que les noirs par suite d’une sélection artificielle(!) intervenue dans le cadre de l’esclavage et les amérindiens accuseraient un déficit de 15 points sur l’échelle du Q.I. Ils seraient donc génétiquement moins intelligents que les blancs par exemple. Les réserves apportées sur ces questions par un neuropsychologue de l’université de Montréal et un psychologue de l’UQAM ont paru satisfaisantes. Les tests psychologiques sont supposés mesurer quelque chose, mais il n’est pas certain, pour de multiples raisons, que ce soit l’intelligence. De telles réserves étaient absentes du discours de Serge Larivée, diffuseur des thèses racistes de Herrnstein et de Murray élaborées à partir des résultats de tests psychométriques. Il ne serait jamais venu à l’esprit de Serge Larivée qu’on pourrait renverser la proposition de Herrnstein et de Murray et de voir dans les conditions de vie les déterminants des capacités intellectuelles. Au contraire, il n’a cessé de mettre en relief la scientificité de ces tests comme pour accréditer l’infériorité des groupes en question.

En écoutant Larivée, je ne pouvais m’empêcher de régresser au 19ème siècle où sévissaient l’anthropométrie en général et la craniométrie en particulier dans le cadre de l’école anthropologique de Paris. S. J. Gould a mis en lumière le rôle prépondérant qu’a joué Pierre Paul Broca à la tête de cette école. A cette époque, il ne s’agissait pas, d’abord, de mesurer l’infériorité des noirs, mais surtout celle des femmes, et l’on se vantait alors, de le faire avec " une certitude scientifique. " Bizarrement, l’idéologie scientifique n’est jamais bien loin quand les crypto-fascistes de tous poils montent aux barricades ou s’évertuent à noyer ceux qu’ils veulent considérer comme inférieurs.

Écoutons Gustave Le Bon, l’homme qui a fondé la psychologie sociale et grand disciple de Broca s’exprimer scientifiquement sur l’infériorité de la femme: ''Dans les races les plus intelligentes, comme les Parisiens, il y a une notable proportion de la population féminine dont les crânes se rapprochent plus par le volume de ceux des gorilles que des crânes du sexe masculin, les plus développés. Cette infériorité est trop évidente pour être contestée un instant, et on ne peut guère discuter que sur son degré " Plus loin, il poursuit : " Vouloir donner aux deux sexes, comme on commence à le faire en Amérique la même éducation et par suite leur proposer les mêmes buts est une chimère dangereuse."

Il n’est donc pas surprenant qu’après l’école anthropologique, c’est la psychologie qui a pris la relève des mesures de l’intelligence avec les tests psychométriques. Aujourd’hui le psychologue Le Bon serait renversé de constater que la femme inférieure qu’il voyait dans ses élucubrations scientifiques a damé le pion à bien des hommes et singulièrement, au milieu scolaire, lieu d’élection des performances psychométriques.

Aurait-il la propension à mettre en cause la finalité de ces tests? Peut-être se contenterait-il de changer de cible et de s’occuper des noirs comme le fait Larivée? D’ailleurs, dès 1881 dans le sillage de Broca, un des disciples n’a-t-il pas fait remarquer que " les hommes des races noires ont un cerveau à peine plus lourd que celui des femmes blanches "? Il soutenait alors toujours très scientifiquement que " les femmes et les noirs étaient comme des enfants blancs et que ces derniers, d’après la théorie de la récapitulation, représentaient une phase adulte ancestrale (primitive) de l’évolution humaine. "

En ce début du nouveau millénaire, on pourrait croire s’être débarrassé de ces impedimenta d’ignorances d’un autre âge. Ce serait une grossière erreur, car on doit tenir compte de tous les fascistes et crypto-fascistes qui font leurs choux gras des théories malsaines et qui se complaisent à maintenir les groupes qu’ils abominent dans le carcan du déterminisme biologique quand ce n’est pas dans un réseau inextricable de préjugés. A l’adresse de ces gens, j’aimerais citer un passage de Gould, l’éminent paléontologue de l’Université Harvard qui n’a cessé toute sa vie de démonter ou de pourfendre les thèses racistes de ses compatriotes :



" L’Homo Sapiens, dit-il, est apparu il y a au moins cinquante mille ans et, depuis cette époque, nous n’avons pas la moindre preuve d’une amélioration génétique quelconque. [] Tout ce que nous avons réalisé, pour le meilleur et pour le pire, est le résultat de l’évolution culturelle [Souligné par nous.]

Et nous l’avons fait à une vitesse qui est sans commune mesure avec toute l’histoire précédente de la vie. [] Ce que nous avons appris en une génération, nous le transmettons directement par l’enseignement et les textes. Les caractères acquis sont héréditaires dans les domaines de la technologie et la culture."

Cette perspective d’une transformation accélérée, loin de la lenteur des processus biologiques ouvre les horizons d’un " avenir libérateur " et constitue donc-- n’en déplaise aux Larivée de ce monde-- la revanche de la culture sur la biologie.
Marc-L Laroche
Sociologue
le 13/10/05

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